Un article de . .. 2013

avril 24, 2024 0 Par Mathias Weidenberg

J’y faisais la relation d’une décadence prévisible de notre action diplomatique et par conséquent d’un échec sur le commerce extérieur à venir, en soulignant la myopie des politiques menées par Laurent Fabius au ministère des affaires étrangères, myopie budgétaire contrainte par deux décisions stupides de François Hollande : CICE et non renégociation du traité de consolidation budgétaire négocié par Merkel et Sarkozy.

En 2024, c’est l’année de la marmotte. Avec une touchante synchronisation, digne de danseuses nautiques olympiques, les néolibéraux français et allemands ont entonné le chant de la faillite budgétaire, et reproposent un chant austéritaire déjà chanté entre 2011 et 2014.

Rappelons le : tous les économistes, même les pires du FMI, reconnaissent que la consolidation Budgétaire européenne de cette période a fait décrocher l’Europe de la croissance mondiale et américaine. Le ministre de l’économie d’Obama n’eut qu’un mot pour qualifier les idées budgétaires de Sarkozy et Merkel : « stupides ».

La conjoncture européenne a été sauvée par l’effondrement des prix du pétrole et du gaz en 2015, renforçant les pouvoirs autoritaires par exemple en Russie – déjà en guerre limitée avec l’Ukraine – au Qatar, déjà principal financier du Hamas – en Arabie Saoudite, et, par la crise du gaz de schiste américain que cette guerre des prix de l’OPEP déclenche, indirectement à l’origine de la victoire de Trump en 2016.

En 2013, je me lance dans un règlement de compte de ces politiques sous l’angle spécifique des politiques diplomatiques culturelles et des politiques consulaires à destination des français vivant hors de France.

J’y défendais d’ailleurs l’institut français de Téhéran. Longtemps lieu de rencontre d’intellectuels et de citoyens dissidents du régime, son institut de recherche a été fermé par les mollahs en 2023, en plein mouvement Femme, Vie, Liberté.

Ma conclusion est finalement cruellement prophétique.

Les erreurs du début du quinquennat, où les dirigeants du parti socialiste se coulent dans un cadre économique et budgetaire défini par les droites européennes, par conformisme, lâcheté, mais aussi intérêt de classe, condamneront le PS, quelles que soient ses tentatives sociétales pour conserver l’électorat urbain. L’alliance des centristes socio-liberaux et des néolibéraux issus de la droite dans l’alliance bourgeoise derrière Macron sanctionnera la perte même de cet électorat conservateur fiscalement et progressiste en société. Le PS aura tout perdu. Mais Fabius, lui, comme Moscovici, l’autre grand responsable, serons annoblis au conseil constitutionnel et à la cour des comptes par le conseiller économique de Hollande qui chuchota l’idée à la base du CICE, Macron.

« Pour rouvrir la France au Monde, contre le repli sur soi comptable
La Diplomatie d’action culturelle est essentielle pour développer les réseaux d’influence, les amitiés indispensables pour jouer un rôle dans le monde. Les Français hors de France sont également des relais et des ambassadeurs pour la France dans le Monde.
Les gouvernements successifs de la droite ont, surtout depuis 2006, systématiquement détricoté les réseaux existants, transformant les titulaires en précaires, puis les précaires en chômeurs, réduisant l’ensemble des budgets d’action extérieure de 20%.
Le réseau consulaire, instrument d’influence et service public pour une population française à l’Etranger en plein croissance, a été considérablement réduit, avec de très nombreuses suppressions de postes.
Nous mangeons déjà notre propre main après l’avoir coupé, nous mettons déjà dans le moteur la charpente du bateau sur lequel nous naviguons.
Nous avons besoin d’un réinvestissement, politique, culturel, et budgétaire.

Le débat du Projet de Loi de Finances 2014 devrait être l’occasion de revoir en profondeur les outils de notre politique extérieure, et de revitaliser notre action. Une baisse (-0,7%) est pourtant prévue au sein des programmes directement gérés par le Ministère des Affaires Etrangères. Les rapporteurs – y compris les élus PS – de ce budget, les ministres, parlent d’un budget « équilibré », d’une ambition préservée pour les français de l’Etranger.

Pourtant, hors de France, nos perceptions sont tout autres. Les Berlinois, les Français et les francophiles de Berlin, avec le député (PS – Motion 1) Pierre-Yves Le Borgn’,se sont mobilisé pour sauver la Maison de France en 2013. Pourtant, nous recevons les échos de mobilisations analogues en Espagne et ailleurs. Pourtant, les personnels nous alertent sur le non renouvellement de leurs contrats, faisant perdre à notre action des compétences et des réseaux constitués qui souvent compensaient la faiblesse des moyens.
Pire : il manque une vision.
Laurent Fabius défends l’idée d’une nouvelle « Diplomatie Économique » française. Sans réseau, sans culture, sans amitiés, il ne peut exister de relations d’affaires. Le commerce vit des échanges entre les personnes d’abord. On ne fait des affaires qu’avec des personnes, avec des gens que l’on connait, à qui l’on souhaite faire confiance. Sans vision culturelle de l’action extérieure, il ne peut y avoir de diplomatie économique.
Les trois programmes budgétaires nous intéressant ne cessent de se réduire. Le Ministère ne défend pas ses budgets, ou ces budgets-là. Les réorganisations successives ont souvent servies plus à « augmenter l’efficacité » budgétaire, que l’efficacité dans l’exécution de la mission.
Je suis d’ailleurs inquiet lorsque je lis le rapport budgétaire de Richard Yung, Sénateur (PS – Motion 1), sur le sujet. L’approche est clairement en soutien des démarches de réduction des dépenses, sans vision globale. Nous restons prisonniers d’une vision isolée de nos 3 programmes, sans réelle interconnexion, ni d’ailleurs vision politique cohérente. Dans le plan triennal sous Sarkozy le budget de la « Diplomatie Culturelle et d’influence »devait se réduire de 3% entre 2010 et 2013, notre PLF 2014 va plus loin dans la même logique. En 2010 l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger disposait de 420 Millions, et en 2014 aura … 416 Millions. En termes constants, c’est une baisse considérable.
Richard fait ce que beaucoup d’élus font actuellement pour influencer à la marge notre politique: des bricolages pour sauver ce qui peut l’être – allant chercher 150 000 euros ici pour les mettre là. Mais la logique politique laisse la place à une logique comptable.
Tout pour le retour à l’équilibre des comptes!
Voilà un mot d’ordre mobilisateur et annonciateur de grandes victoires aux élections consulaires de Mai prochain – le scrutin local pour les Français hors de France, élisant prés de 444 élus consulaires locaux en même temps que les Européennes, et base du collège des Grands Electeurs pour les Sénatoriales de Septembre 2014…

Notre budget continue le désinvestissement massif dans la diplomatie culturelle. Ce sont les opérateurs, tels que l’Institut Français, qui vont en faire les frais. Aurai-t-on sauvé, avec la collaboration des associations, comme Français du Monde -ADFE, avec les gauches, certains instituts en 2013 pour les voir fermer en 2014?
J’en suis convaincu et je le vois tous les jours dans le cadre de ma profession d’expert en commerce international : la présence culturelle est le premier pont pour construire une « Diplomatie économique ». L’Allemagne a d’abord investi en Chine – il y a plus de 20 ans – dans des Goethe Institut et des missions interculturelles.
Réduire encore les crédits, c’est à terme assécher les réseaux où se construisent les relations d’échanges, culturelles, intellectuelles, de recherche, et in fine économiques.
A ce sujet, Pouria Amirshahi, député (PS – Un Monde d’Avance) est engagé aussi dans une lutte nécessaire pour le budget de l’Agence Universitaire de la Francophonie. J’ai dans mes contacts de nombreux étudiants-chercheurs à l’étranger. Ils m’expriment leurs doutes et inquiétudes. La France perd en influence universitaire, dans la Recherche internationale. Ce sujet est essentiel pour notre capacité future à innover, à influencer aussi, à connecter nos centres d’excellence avec ceux du reste du monde. L’AUF a vu une baisse de 18% de ses crédits depuis 2006? Nous continuons dans cette voie, gelant, dès 2013, 6% du budget! Pouria, Je te souhaite tous mes vœux de succès !

Je vais encore plus loin: nous nous privons d’yeux, d’oreilles, de voix pour comprendre le monde.
Je donne un exemple: Laurent Fabius est sous les critiques des diplomates suite à l’échec des négociations avec l’Iran, qu’il semble avoir provoqué. J’ai relu toutes les tribunes sur le sujet, revu les interventions de Pouria sur LCP ou le récit de Jean-Yves Leconte, Sénateur (PS – Motion 1), de son voyage récent en Iran – que je cite ici: « Le redémarrage de l’Institut, la capacité des agents de recrutement local à maintenir notre dispositif de présence culturelle, nos bibliothèques, le fonctionnement de l’Institut Français de Recherche en Iran dans la période la plus noire, furent remarquables. Ces éléments d’influence qui sont restés, malgré tout, en place ces dernières années, notre présence française dans les années 1970 en Iran, nos efforts diplomatiques entre 1979 et 2009 pour retrouver une relation bilatérale normale, constituent de forts atouts pour reconstruire une belle relation pleine d’opportunités.
Tout en restant ferme sur les fondamentaux qui ont structuré notre relation sur la question du nucléaire, il faut aujourd’hui se donner les moyens de retrouver une place en Iran, de faire de la relation avec l’Iran un atout pour nos politiques universitaire, économique et industrielle et pour notre politique étrangère. »
Apparemment, Fabius n’a rien lu de tout cela. Et se fiche des réseaux liés aux Instituts.
Les réseaux nous permettant de savoir ce qui se passe dans la société iranienne sont fragiles, et le seront encore plus avec la réduction des crédits globaux à ce programme. Nous allons nous isoler encore plus.
Notre vision du monde est surdéterminée par quelques conseillers vivant depuis des décennies à Paris. Le mépris pour les personnels locaux, que l’on retrouve dans la non lecture de leurs notes, dans la réduction de leurs effectifs, la non reconduction de leurs contrats, est en train de nous coûter énormément, sur la Syrie, sur l’Iran, en Europe, dans le Monde.
Cela va tellement loin que L’Agence internationale d’images de télévision (AITV), créé en 1985, filiale de France Télévisions, est aujourd’hui mise en vente, provoquant une demande d’explication de la sénatrice Claudine Lepage (PS – Motion 1) ! Nous privons aussi des outils pour parler aux yeux, aux oreilles du Monde !
Je comprenais que l’UMP puisse mépriser à ce point l’action culturelle extérieure. Mais nous?
Etudions le programme concernant les Français à l’Etranger et affaires : 375 Millions de budget, une hausse de 5% par rapport à 2013. Alors, tout baigne ?
Une partie de la hausse (2 points) est absorbée par les 6 Millions destinées à organiser les élections Consulaires et Européennes de 2014, et 1 point par la hausse de la masse salariale malgré la baisse continue des effectifs (plus de 200 suppressions!).
Certes, le budget des bourses et celui de l’aide sociale sont préservés. Après tout, nous avions promis de mettre fin à l’injuste décision de Nicolas Sarkozy de réduire le budget des bourses pour garantir une apparente gratuité de l’enseignement secondaire dans les lycées français de l’Etranger, renchérissant l’accès à l’enseignement en primaires et collèges.
Heureusement que nous les préservons! Et d’ailleurs, nous ne les avons pas complétement préservés ! En 2012, les moyens n’ont pas été complétement réalloués, 15 Millions ont été économisés qui pourraient pourtant tellement aider de jeunes boursiers !
Sans cela, soyons clairs : cela aurait signifié qu’Ayrault était prêt à perdre les deux sièges sortants de sénateurs de gauche qui seront renouvelés, avec 4 sénateurs de droite, en septembre 2014… Et puis c’est la moindre des choses de voir ce programme préservé alors que la population française hors de France ne cesse d’augmenter !
Même la Cour des Comptes reconnaît qu’à force de réduire nos moyens extérieurs, nous mettons en jeu la survie même de ce qui subsiste :« En conclusion, il n’apparaît désormais plus possible de chercher à réduire fortement la carte du réseau consulaire français, sans s’interroger au préalable sur l’ampleur des missions qu’il lui est demandé d’assumer, particulièrement dans un contexte de croissance de la population française à l’étranger. C’est en effet l’importance et la diversité des missions ainsi offertes qui contribuent à pérenniser la densité du réseau. » Une réduction supplémentaire ici signifie changer fondamentalement de politique, et nécessite à la fois une réflexion et un débat qui n’ont pas encore été initiés.
Si notre ambition, c’est de maintenir des alibis sociaux dans un schéma global de repli sur soi de la France, alors oui, ce budget 2014 est ambitieux.
Je vois surtout une contradiction profonde entre les ambitions affichées dans la campagne, la priorité annoncée d’une « Diplomatie Économique», et l’absence de moyens.
Alors bien sûr, tous les ministères doivent se plier au joug de la rigueur budgétaire puisque c’est notre priorité, la pierre angulaire de notre politique, ce sur quoi nous serons jugés – ou plutôt, « notés ».
Et nous revenons ici à la question que porte Maintenant la Gauche depuis le congrès de Toulouse en Octobre 2012 : nous avions un projet permettant de nous redonner des marges de manœuvre.
Nous les avons gaspillées dans des projets inefficaces (CICE). Nous nous les avons nous-mêmes retirées en ne forçant pas la renégociation du Pacte de Stabilité. Nous nous les sommes interdits à partir du moment où le ministre le plus léthargique de ce cabinet imposai sa vision de la réforme fiscale : pas de réforme fiscale.
Tout est lié. »