Aux Riches la Patrie reconnaissante, Janvier 2018, Mathias Weidenberg
https://europeinsoumise.org/fr/dossiers-thematiques/social/item/69-aux-riches-la-patrie-reconnaissante
Les deux propriétaires de la banque Warburg à Hambourg, l’une des banques les plus vieilles et respectées d’Allemagne, ont couvert un système d’escroquerie du fisc allemand – au moins 160 millions ont été fraudés par ce biais dans cette seule banque, 5 milliards dans toute l’Allemagne.
Pourtant, en même temps, ces deux propriétaires étaient connus pour la générosité de leurs dons, finançant de leurs propres deniers des projets d’investissement public. On pourrait aussi citer le président du club de football de Munich, Uli Hoeness, condamné à trois ans de prison pour plusieurs dizaines de millions de fraude fiscale, mais dont les dons aux bonnes œuvres ont légitimé les appels à la clémence lancés par ses amis riches de Bavière. Il s’agit bien là de corruption morale, et d’un « grand remplacement » de l’intérêt commun, défini démocratiquement et financé par l’impôt, par des intérêts jugés dignes d’être financés par des individus, en fonction de leur morale subjective, avec une fortune mal acquise.
C’est, à une échelle industrielle, la vieille histoire de la corruption de la république romaine par le système du patronat.
La CSU de la GroKo a soutenu les efforts de rédemption de Hoeness, triomphalement réélu à la tête du Bayern Munich à sa sortie de prison. Le SPD de Hambourg, l’un des partis les plus droitiers d’Allemagne, a couvert la fraude fiscale de la banque Warburg, faisant traîner en longueur la procédure en espérant la prescription juridique, jusqu’à ce qu’un procureur fédéral intervienne en dernière minute.
Pologne, avec Jerome Bachelier, Fryderyck Golab
Extrait: « En Allemagne, à Chemnitz puis dans la petite ville de Köthen, on a vu se produire plusieurs manifestations d’extrême-droite suite au meurtre d’un jeune homme imputé à des migrants. Que se passe-t-il outre-Rhin? La situation peut-être devenir hors de contrôle ?
Il faut se rappeler que lorsqu’on a redonné sa souveraineté à l’Allemagne après la guerre, on l’a fait avec beaucoup de précautions. Tant en RFA qu’en RDA on écrivit dans la Constitution l’obligation de combattre les idéologies issues de l’extrême-droite. Dès que l’extrême-droite donnait des signes de renouveau, les chancelleries réagissaient. Au milieu des années 80, les « Républicains » (Die Republikaner), menés par un ancien Waffen SS, remportèrent des sièges dans des parlements régionaux de l’Ouest. Les autres pays firent les gros yeux, menaçant l’Allemagne de ne pas être accommodants sur certaines de ses revendications en Europe si elle ne maîtrisait pas le problème. Pendant le processus de réunification, on fit également les gros yeux lorsque des ratonnades aboutirent à la mort de migrants en ex-RDA, à Rostock par exemple.
Mais après la création du marché commun puis de marché et de la monnaie uniques, le choix fut progressivement fait de ne plus surveiller l’Allemagne. «
L’Allemagne, entretien en deux volets avec Coralie Delaume pour l’Arène Nue, Février 2017
Extrait: « Sigmar Gabriel, qui a récemment quitté la direction du SPD et laissera Martin Schulz affronter Angela Merkel aux élections législatives allemandes de 2017, a déclaré fin janvier que la politique de la chancelière avait contribué « de façon décisive aux crises toujours plus profondes de l’Union européenne depuis 2008, à l’isolement d’un gouvernement allemand toujours plus dominant et – en s’accrochant impitoyablement à la politique d’austérité – au chômage élevé hors d’Allemagne ». Or Gabriel est tout de même…. ministre de l’Économie d’Angela Merkel. Quel sens cette déclaration a-t-elle ? Est-ce une façon de fermer la porte à toute nouvelle possibilité de « Grande coalition » après 2017 ?
Au-delà des jeux tactiques, reconnaissons au SPD d’avoir porté des diagnostics justes, dans le débat intérieur, sur les causes et les conséquences de la crise en Europe. Sans jamais cependant en tirer les conséquences politiques.
Ajoutons ensuite que le surnom de Sigmar Gabriel au SPD, c’est « Zig-Zag Gabriel » pour sa capacité à prendre tout le monde avec constance à contre-pied. Son échec à être le candidat à la chancellerie – à deux reprises ! 2013 et 2017 – alors qu’il est le président du SPD, est inouï dans l’histoire.
Quoiqu’il en soit, pour comprendre la déclaration de Gabriel, il faut revenir en 2008. La crise financière frappe alors que la première Grande Coalition voit une collaboration assez harmonieuse entre la CDU d’Angela Merkel – dans laquelle deux ailes s’affrontent, interventionnistes et ultralibéraux – et le SPD dominé par son aile droite et notamment par Steinmeier (le conseiller de Schröder à l’origine de « l’agenda 2010 », les reformes controversées du marché du travail et du système d’assurance sociale) et Steinbrück, ministre de l’économie.
Face à la crise, Angela Merkel, comme à son habitude, joue la montre et refuse de décider quoi que ce soit. Finalement, sous la pression des Américains, des Britanniques et des Français, elle accepte d’abord organiser la recapitalisation du système. Effrayés cependant par les déficits qui s’accumulent, tant Merkel que Steinbrück refusent d’envisager, dans un premier temps, de soutenir la conjoncture. C’est suite à une fronde des députés et aux pressions de ses industriels que l’Allemagne se rallie à un plan de relance massif par l’investissement public (Konjonkturprogramm 1 à 4) et un soutien à l’emploi par la subvention massive du temps partiel comme alternative aux licenciements. En pratique, les entreprises ont eu la possibilité de mettre leurs employés à temps complet en temps partiel pendant une période portée à deux ans, avec l’État et l’assurance chômage versant la différence entre salaire à temps complet et temps partiel – soutenant la demande intérieure. (…) «
« On voit bien le long processus de morcellement du paysage politique et son résultat paradoxal, qui risque d’être, en somme, le maintien du statu quo. Mais au bout du compte quelles en sont les causes ? Faut-il y voir un effet de la montée des inégalités avec un modèle économique qui fait clairement des gagnants et des perdants ? De la politique migratoire d’Angela Merkel ? De l’apparition dans le pays d’un terrorisme auquel il ne semblait pas s’attendre ?
Il y a des explications conjoncturelles, d’autres structurelles. Et il faut sans doute relativiser un peu le conjoncturel (les attaques terroristes), même s’il s’agit d’événement traumatisants par leur violence. Il faut savoir que l’Allemagne a un passé terroriste. C’est le pays où est née la Fraction Armée Rouge, inspiratrice d’Action directe en France. Et la partie Est a abrité de nombreuses figures des mouvements terroristes palestiniens ou des mouvements de libération divers. L’Allemagne est aussi un pays frappé par un phénomène heureusement peu développé en France : les massacres aveugles de jeunes gens, dans leurs lycées ou dans des écoles. Enfin, il existe un fond d’activisme violent de l’extrême droite dont la face cachée a émergé à la stupéfaction générale en novembre 2011. On a alors découvert qu’un groupe néonazi avait pu mener pendant dix ans une « chasse aux métèques » dans l’impunité totale, tuant 9 immigrés et une policière, et commettant une attaque à la bombe avec 180 blessés. La violence terroriste récente, dramatique, n’est donc pas aussi déterminante que certains l’ont dit.(…) »
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