Pensées du week-end à la fête de la bière de Munich

Pensées du week-end à la fête de la bière de Munich

octobre 2, 2023 0 Par Mathias Weidenberg

„Il nous faut protéger notre identité, nos traditions, le bon sens de chez nous“.


La plupart des éléments de notre identité, de nos traditions et de ce que nous appelons le bon sens de chez nous ont leur source dans le rythme des saisons et des des climats accompagnant le travail de la terre „qui ne ments pas“.
En France, les Auto défenseurs de ce bon sens ont déjà commis un sacrilège en imposant, c’est Giscard, l’heure allemande à la France. Depuis, nous sommes coupés des indications d’heure de notre littérature. Nous inventons en été deux heures de décalage avec notre horaire naturel et traditionnel.

L’auteur en costume traditionnel à la fête agricole célébrant un automne introuvable

La plupart des proverbes perdent leur sens alors que la météo reflète les bouleversements du climat que les traditionalistes ont décidés de sacrifier à la bonne marche du mode de production et d’échange capitaliste.
La terre qui ne ments pas perds en rendement. Les traditionalistes défendent ainsi les modes de production agricole les plus artificiels, les plus chimiques, les plus dangereux pour la santé humaine pour conserver des rendements et imposer des marges aux agriculteurs qui s’appauvrissent, et enrichir les capitalistes.

L’un des représentants de la religion européenne la plus ancienne, héritière d’un patrimoine immobilier et culturel, dont le livre sacré s’achève par des collections de proverbes de paysans, rappele le message de fraternité et d’amour de son second livre, écrit pour célébrer le sacrifice humain d’un martyre censé représenter l’alliance avec un dieu universel.


Cette religion, née au Proche Orient, s’inspire des mythes et des histoires des grands empires d’Afrique et de Mésopotamie qui l’entoure il y a 2600 ans, reprenant dans son intégralité le texte mot a mot du déluge inventé lui il y a 4000 ans par un peuple polythéiste vivant en actuel Irak, adaptant la vie de Sargon, roi akkadien vivant il y a 4000 ans pour en tirer le roi de justice David et la destinée miraculeuse de Moise, avant de créer une synthèse avec un système de pensée issue de la République et de l‘empire romain, latin, et donc représente un métissage culturel permanent.
Il n’empêche que les traditionalistes chrétiens rejettent les messages du clerc en chef de cette église, et s’ils fondent l’identité européenne sur le christianisme pour rejeter la religion installée depuis 1500 ans là où sont nés les mythes il y a 4000 et 2500 ans nourrissant leur tradition, ils n’en acceptent aucune leçon de morale ou de conduite.
D’ailleurs, lorsque l’occasion l’exige, ces opportunistes se prétendent laïcs.

Allegorie

Le climat fait s’effondrer les conditions d’apparition du croissant fertile, creuset de la civilisation occidentale, qui est un rectangle commençant en orient, aux frontières de la Perse, englobant la mer noire et le caucase, le proche orient et l’Afrique du Nord où naissent Égypte et Carthage, la Méditerranée et la Grèce, les Balkans, les Alpes, la Gaule et les Flandres, la partie au sud des îles britanniques, la péninsule ibérique.

Le capitalisme libéral de marché et de globalisation intense en énergie carbone a peut-être créé trois décennies durant l’illusion d’une amélioration des conditions de vie des catégories populaires de régions entières du monde.
Ce n’était que le feu de paille d’une gigantesque entreprise de concentration des richesses, du pouvoir, des créations et manipulations des symboles, au prix du climat, de la guerre, et de l’effacement de la liberté devant l’arbitraire.

Une partie des traditionalistes adeptes du bon sens aiment l’Amérique justement pour s’être donnée sans retour au capitalisme, et pour être encore l’incarnation d’une puissance mondiale, ça en impose.
Une autre partie rejette l’Amérique wokiste, pour célébrer l’extrême droite évangéliste, car le trumpisme est aussi un messianisme neo-chretien, et l’impérialisme orthodoxe russe. On verra des pro-marché catholiques s’allier aux représentant du wokisme politique dans la même admiration pour l’entreprise militaire russe en Ukraine.

Et l’on utilisera le bon sens pour mentir.
L’inflation est due en Europe depuis maintenant une année complète aux prises de marges des plus riches propriétaires de l’appareil de production et d’échanges ? On mettra cela sur le compte des immigrés et de la volonté ukrainienne de se défendre militairement. On accusera aussi le peuple salarié de trop consommer, et on augmentera les intérêts de la monnaie, sans augmenter les salaires, ni les pensions, ni les traitements des fonctionnaires.
Enfin, on défendra en pleine récession des plans de consolidation budgétaire et de diminution d’impôts pour les plus riches.

Mais tout est de la faute des écologistes qui paniquent tout le monde, des anti russes vendus aux américains, des classes populaires oisives au minimum social.
Les pro russes sont pourtant au moins aussi corrompus que les pro americains. Le régime ukrainien est-il corrompu? Bien sûr, moins que la Russie, plus que la Bulgarie, elle-même plateforme maffieuse en Europe, même si la plateforme de blanchiment en Europe des argents sales du monde reste … l’Allemagne.

Oui on ments au nom du bon sens. On ne veut pas regarder le monde alors on regarde des pics d’horreur émotionnels. Un événement unique et prenant aux tripes domine l’actualité pendant des jours jusqu’à l’écœurement.
C’est qu’il faut débrancher la pensée rationnelle et scientifique, dompter la raison pour entrer dans le monde des passions mortelles.

Pourtant, l’Europe a déjà été confronté à des défis existentiels analogues il y a un siècle. A force de répéter le „point Godwin“ comme arme massive de neutralisation de la mémoire, on a oublié et on va tout revivre.

Sauf que l’hiver russe ne viendra plus. Et que la sécheresse qui frappe l’Europe, qui s’installe pour quelques décennies – le Brandenburg devrait passer d’une région de lacs et de forêts à une région semi-aride désertique, c’est une prévision dilmy à dix ans pour dans quarante ans qui pourrait se réaliser vingt ans plus tôt- s’accompagne d’une relative reprise des pluies en zone sahélienne, ramenant dans des pays africains qui souffrent depuis 70 ans du changement climatique des rendements agricoles jamais vus depuis.

La science dit qu’il est encore temps de ralentir le réchauffement, d’en inverser certains effets.
Face à la radicalité des changements nécessaires, les traditionalistes du bon sens opposent la liberté du marché – si le réchauffement était si coûteux, le marché aurait déjà tout corriger.
Nul besoin de créer une société de solidarité et de coopération, la concurrence, c’est à dire la guerre, va s’en charger.

Et il y a ceux qui ont déjà choisi : il faut embrasser un climat à 6 degrés et les transformations qui l’accompagne. „Oui, bien sûr, le bon sens va commander de tuer 3 milliards d’humains. Mais nous sommes supérieurs, par notre race ou notre religion, parce que nous avons des capitaux et des armes, parce que nous devons définir des supériorités pour nous donner la bonne conscience lorsque nous tuerons.“
C’est le mécanisme mis à jours par les recherches historiques et sociologiques sur les gens ordinaires, de bon sens, mettant en œuvre, par millions, la solution finale au siècle dernier.

Le climat donnait au bon sens son sens. La terre ne mentait pas quand le ciel ne mentait pas.
On est en octobre, il fait grand soleil, 26 degrés, en Allemagne.

Une „tente“

L’enfer, cet été éternel

Aujourd’hui, la fête de la bière a accueillie pour la première fois dans le mois qui lui donne son nom.


Elle s’achève mardi. La „fête d‘Octobre“ a en effet lieu surtout en septembre.
La semaine prochaine, la région de Bavière va voter. Le parti de la droite conservatrice bavaroise CSU reste en tête, mais avec un résultat annoncé médiocre – le pire de ces dernières 75 ans – et le parti de l‘antisemite Aiwangler, allié de la CSU, en seconde position.

Il faisait un grand soleil, pas du tout automnal. Les rayons tapaient sur le bitume de „la prairie de Thérèse“, les toits des gigantesques auberges que l’on appelle „tente“ et qui abritent plusieurs milliers de personnes chacune. Rarement l’image des grecs d‘Apollon tirant de son arc des flèches de chaleur amenant épidémie et catastrophe ne semblait plus juste.
Il faisait 26 à 28 degrés, en Bavière, ce 1er Octobre. Et il n’a pas plu depuis deux semaines.
Les bavarois considèrent que c’est la „terreur culturelle woke“ et les „radicaux écologistes“ qui mettent en danger leur mode de vie. Ici, les militants qui se collent à la route sont mis 30 jours en détention préventive comme mesure d’éducation politique. L’extrême droite, lantisemitisme, sont tolérés jusqu’à la Vice Presidence de la région.
Pourtant, alors que le président de la région Söder se réjouit de voir tous les records d’affluence battus, la marque des 80 000 hectolitres de bière consommés franchie, 7 millions de visiteurs, la fête de la bière est menacée.

La sécheresse fait s’effondrer le rendement de l’orge. La récolte en Allemagne de l’orge d’hiver fut difficile. La chaleur favorise aussi le développement de champignons et de parasites résistants aux herbicides. L’approvisionnement en eau va devenir un problème : il faut 300 litres pour un litre de bière.
La nature est à bout, les arbres jaunis de chaleur, et non des couleurs de l’automne.

Les conditions naturelles de développement et de vie des sociétés cultivées sont en train de changer à une vitesse acceleree, et face à des transformations que l’on ne désire pas, on oppose le déni, le bouc émissaire, la diversion.

Alors on mettra au bûcher non les capitalistes les plus égoïstes, responsables de mode de production et d’échange détruisant les conditions de la vie, mais les écologistes, les réfugiés climatiques, les critiques de l’ordre social, coupables de sacrilèges idéologiques. Les autels des sacrifices humains sont prêts à être rouverts.

Les nuages de condensation des avions ne remplacent pas l’automne.

La fête de la bière n’a pas connue un jour de pluie cette année. Elle fut crée pour célébrer l’arrivée du mauvais temps, promesse d’eau et de repos de la terre après les récoltes, des jours plus courts, célébrer l’abondance du début de l’automne avant les privations de l’hiver. C’est là son symbole, Demeter.
Et non la fête d’un été infini, qui de paradisiaque se transforme en enfer.