La cinquième république, bien plus que l’Union Européenne, organise la perte de souveraineté populaire
Alors que le pouvoir a tout fait pour empêcher un vote du parlement sur la réforme des retraites, que les macronistes réduisent la démocratie à un régime plebiscitaire sans parlement ni peuple souverain, j’ai retrouvé ce texte de début 2016, où critiquant le gouvernement Valls, dont Macron était ministre, j’expose le principal moteur de notre perte de souveraineté.
Bien plus que la subsidiarite ou l’Union Européenne- la même année 2016 paraissait le livre de mes amis Coralie Delaume, décédée trop tôt, et David Cayla expliquant comment tous les pays desobeissent à leur convenance aux traités – c’est le régime de la cinquième république.
Il y a un an, Manuel Valls atteignait un premier record d’impopularite à 36% seulement d’opinions positives.
Il avait perdu 11 points suite à l’épisode bling bling, en plein congrès du Ps à Poitiers, d’un aller-retour en avion pour regarder un match de foot à Berlin – justifiant le financement par l’Etat de cette récréation par un rendez-vous de travail avec Michel Platini.
Depuis, Michel Platini est suspendu de l’UEFA dans une affaire de corruption présumée.
Depuis, le Président de la République a décidé de continuer à gouverner sans prendre en compte l’opinion de son peuple.
Depuis, les alliances politiques suscitées par le Premier Ministre ont fait perdre à la gauche 6 régions de France, dont la plus riche, l’Ile de France, et liquider la gauche dans deux de ses bastions, où elle a laissé la place au Front National.
Depuis, la politique refusée dans les urnes est aussi refusée dans la rue.
Depuis, la popularité de Manuel Valls est passée de 36 à 22%, celle de François Hollande de 22 à 13%.
Ce n’est pas un rejet de personnes – aucun homme politique n’a aujourd’hui une popularité. Tous ont un pourcentage d’opinions positives inférieures à la majorité.
C’est une crise profonde de régime.
La cinquième République organise l’irresponsabilité du gouvernement.
Le Parlement a depuis longtemps abandonné son rôle constitutionnel et démocratique – depuis l’inversion du calendrier et surtout la synchronisation des mandats présidentiels et parlementaires on a supprimé le seul moment dans la cinquième où un contrôle du président était possible: à l’élection intermédiaire, ce que les français ont su utiliser à trois reprises pour forcer une cohabitation.
C’est d’ailleurs le modèle de contrôle présidentiel à l’américaine que de forcer ces rendez-vous. Le régime de cohabitation entre un exécutif d’un parti et le parlement de l’autre y est la règle.
Le gouvernement est surpuissant – on l’a vu encore hier soir.
Alors que c’était dans le programme du président et du parti majoritaire, alors qu’il y a une majorité d’opinion au sein du parlement, alors que les abus de L’Etat d’urgence rendent cette mesure encore plus pertinente, le gouvernement a pu cette nuit repousser toutes les initiatives parlementaires sur l’encadrement du contrôle d’identité.
C’est l’opposition personnelle, l’opinion individuelle du Premier Ministre qui prévaut sur tout le reste.
Ne nous méprenons pas: ce n’est pas la psychologie de Valls qui compte.
C’est le rapport de force que sa fonction permet d’établir.
Les primaires, les soubresauts des organisations partisanes, à droite comme à gauche, renforcent encore un peu plus les tares du régime.
Tout le monde semble se résigner à devoir épouser les pires défauts du régime.
Personne ne semble capable de proposer une évolution de celui-ci.
Les initiatives pour une nouvelle République, pour la sixième République, pour des réformes, sont sympathiques.
Elles ne font pas cependant l’analyse des causes de ce régime.
Pour le renverser, il ne faut pas annoncer le renverser. Il faut s’attaquer aux rapports de forces sociaux et économiques. Ce n’est qu’une fois l’adhésion emportée sur ces sujets de fond que le régime pourra être renversé.
C’est malheureusement là où en tactique électorale comme en stratégie politique le Fn a pris dix ans d’avance sur la gauche.
Heureusement, les français sentent bien que ce discours n’est qu’une méthode de conquête du pouvoir, et que la politique que mènerait le Fn, comme on le voit dans ses mairies, est à l’opposé de l’appétit pour plus de démocratie, d’autonomie, de libertés, de partage et de solidarité sociale.
La cinquième République est malade, mortellement, de ne pas être un régime démocratique.
C’est aussi l’erreur des souverainiste démocrates que de confondre le refus de souveraineté du peuple qu’organise la constitution avec la subsidiarite européenne.
C’est d’abord en France que le peuple doive redevenir souverain, dans un régime d’équilibre des pouvoirs, où le parlement contrôle l’exécutif sous la surveillance de la justice et la transparence garantie par une presse plurielle.
C’est en redevenait souverain qu’il évitera des catastrophes à la Sarkozy ou à la Hollande, c’est à dire en renversant la cinquième République.