La dérive autoritaire prévisible de Macron

La dérive autoritaire prévisible de Macron

avril 7, 2023 0 Par Mathias Weidenberg

Le tournant autoritaire de Macron, le dévoiement même des institutions à coup d’artifices de procédures a un régime de dictature de la majorité parlementaire comme en Hongrie ou en Turquie, et donc la surprenante montée de l’importance de la cour suprême de chacun de ces régimes, la violence croissante politique, et la montée irrépressible de l’extrême droite, tout cela se lisait déjà en analysant froidement le « projet » que présentait celui-ci en 2017.
Voici ce que j’écrivais en mars 2017 après avoir lu l’intégralité du projet du candidat.


C’est exactement ce qui s’est passé, ce qui est en train de se passer.
Vérifiez.

« J’ai des questions pour les amis de Macron.
On me connais sur Facebook comme militant engagé à gauche, ancien représentant des frondeurs à l’étranger, démissionnaire du Conseil National du PS et de ce parti.

Dans la vraie vie, je suis cadre supérieur dans le secteur du numérique, ancien directeur gérant d’une sarl de 60 salariés dans l’informatique professionnelle à Berlin, actuellement vice-président d’un acteur du Cloud.

On le voit : je suis un de ces dangereux irréalistes utopistes gauchistes typiques nourri à l’étatisme vivant mon confort d’assisté dans des semaines de 60heures de travail…
(C’est surtout cette indépendance matérielle du politique qui me permets d’être si libre de parole).

Comme je m’exprime a titre privé sur des questions politiques, je ne parle presque jamais de mon métier ni de mon secteur d’activité sur FB.
Mais comme la « légitimité de la critique » est apparemment pour les amis de Macron une question préalable à la réponse sur le fond, je suis bien obligé de décliner certains titres…

Mes questions donc : Macron annonce sur son site, dans la partie stratégie économique, vouloir réaliser 50 milliards d’investissement et 60 milliards de réduction des dépenses publiques.
En toute logique, 50 milliards d’investissement plus 60 milliards de réduction font 110 milliards de réduction des autres dépenses.

Ou alors, il faut financer ces 50 milliards par des ressources nouvelles.
Or, la réforme fiscale de Macron est faite de belles communications sur des réductions et non des hausses d’impôts.
Donc, d’où qu’ils viennent ces 50 milliards ?

Il y a d’ailleurs une phrase complètement absurde, annonçant la réduction des impôts par la suppression de la taxe d’habitation tout en promettant sa compensation intégrale aux mairies par la … dépense publique de l’Etat (donc par nos impôts, TVA ou impôt sur le revenu), tout en annonçant … une stratégie de réduction des dépenses des collectivités locales (donc des mairies) trois lignes plus bas.
Tout cela déjà est incohérent.

De plus, et c’est bien là vu d’Allemagne le paragraphe le plus éclairant de tout son programme, Macron annonce que des 60 milliards d’économie, pas moins de 23 seront réalisées sur le dos des chômeurs.
Il y est fait mention d’une réduction de ce montant avec un chômage ramené à 7% de la population active, permettant d’économiser 23 milliards de dépenses sociales, sans préciser comment et à quel rythme.

Macron dit également prendre exemple, toujours sur son site, sur ces autres pays européens qui auraient réglé leur chômage de masse.
L’Allemagne est sans doute l’exemple qu’il a en tête.
En nommant d’ailleurs le chômage de masse comme le problème fondamental, Macron méconnaît surtout une chose.
Le chômage est la raison pour laquelle un autre problème plus douloureux et pérenne mine la démocratie : la pauvreté, et la souffrance sociale associée, qui est une conséquence du chômage.

Or, si l’Allemagne, en apparence, montre un taux de chômage réduit – avec une démographie négative, il meurt chaque année plus d’allemands qu’il n’en nait, et l’immigration ne compense pas complètement, le taux de chômage est en effet passé de plus de 10 à 6% – son taux de pauvreté est bien lui plus élevé depuis bien plus longtemps qu’en France!
Il est dans le même temps passé de 15 à 16,5% des allemands!

Évolution du taux de pauvreté après les transferts sociaux en Allemagne, de Schröder à la fin de Merkel

L’Allemagne a réduit son chômage en remplaçant des chômeurs indemnisés et pouvant se recycler professionnellement par des salariés pauvres et précaires pendant de longues durées.

Une étude a démontré que les salariés touchant le RSA allemand en complément de leurs bas salaires le touchent en moyenne … dix ans. Or, la réforme Schroeder en question fut mise en place définitivement il y a … dix ans.
Les salariés pauvres sont condamnés à le rester.

Un salarié pauvre donne plus tard un retraité pauvre. Le taux de pauvreté des seniors explose en Allemagne depuis le report de l’âge de la retraite à 67 ans. La société allemande pousse aussi les femmes à la pauvreté.

Un allemand sur 6 est pauvre, un salarié sur dix a besoin des distributions alimentaires type resto du cœur pour nourrir sa famille.
Beau plein emploi…

En réalité il y a trois situations sociales : un secteur privé du service concentrant un tiers d’allemands appauvris, un marché privé destiné aux exportations industrielles avec un tiers de gens très bien payés, plus qu’en France, et un secteur rentier, retraites et pensionnés, auquel on peut ajouter la fonction publique, se faisant rogner chaque année un peu plus.
Hors catégorie sont environ 7% des allemands qui ont considérablement accru leur part de la richesse nationale.

Preuve de plus, le nombre d’heures travaillées en Allemagne s’est … réduit depuis 2002, la semaine moyenne de travail est passée de 41 à 35 heures avec PERTE DE SALAIRES équivalentes et réduction des indemnités chômage pour forcer les salariés à accepter la manœuvre.
Dans les secteurs exportateurs la semaine de travail moyenne est restée stable à 41h, le reste de l’économie a vu des salariés travaillant et payé autrefois sur 41h travailler aujourd’hui et être payé 31 à 32h. Soit une perte de 25% de rémunération… Et on ne parle pas ici du mécanisme de subvention du chômage partiel appliqué entre 2008 et 2010 pour surmonter la crise, ce dispositif visait justement les emplois les mieux formés et rémunérés, permettant de profiter de suite de la demande mondiale lorsqu’elle est repartie, du secteur exportateur.

Forcer les coupes dans l’indemnisation des chômeurs est de toute façon prévue, Macron prévoyant de baisser les cotisations sociales – c’est à dire ce qui finance les indemnisations en cas de coup dur – pour « distribuer un treizième mois » à des smicards, qui ne pourront l’épargner, et qui donc, en cas de coup dur, devront tout accepter même l’indigne, l’humiliant, leur absence de cotisation les privant du revenu futur de l’assurance chômage.

la France est déjà à un taux – certes inférieur à l’Allemagne – record de pauvreté – un français sur sept est pauvre.
C’est du jamais vu dans l’histoire de la cinquième république, à un niveau constant depuis 2012. La conjonction des politiques Sarkozy et Macron – avec le soutien de l’aile droite du PS – a saccagé un modèle français qui protégeait l’économie française des grands déséquilibres mondiaux – spéculations boursières à la hausse comme dépressions mondiales à la baisse – et fait augmenter la pauvreté de 10%.

Pourtant, la richesse nationale a progressé sur la période – plus lentement que celle de l’Allemagne, de l’Europe, qui elle-même était médiocre comparée au reste du monde – alors que s’est-il passé ?

Macron ça ne l’intéresse pas.

Ce qui l’intéresse, c’est la réduction du taux d’imposition des entreprises – qui pourtant ont déjà reconstituée leurs trésoreries avec le CICE, déjà une macronerie – et la suppression de l’ISF.

Alors, je m’interroge sur le sérieux du chiffrage – 110 milliards mystérieux, non financés, ou épargnés par la pensée magique, voire l’appauvrissement des pauvres – et le sérieux même de la philosophie de ce projet.
Car 60 milliards de dépense en moins, c’est autant de commandes en moins pour des entreprises, de consommation en moins, de demande en moins.

La persistance de la pauvreté au delà d’un européen sur dix dans nos sociétés les plus riches est corrélée avec les progrès des extrêmes droites dans ces pays.

La loi anti squat ne s’attaque pas aux squats et viole plusieurs traités et engagements internationaux de la France et va aggraver la pauvreté de logement

Les Pays-Bas ont un taux de chômage bas, un excédent commercial, et un fort taux de pauvreté.
Dans une semaine, l’extrême-droite pourrait y faire 40%.
L’Autriche, qui vit un coude à coude à la présidentielle entre extrême-droite (elle même alliée à l’aile droite des sociodemocrates dans une région autrichienne) et gauche écologiste, est également dans une situation analogue renforcée encore par l’opposition entre rural et urbain.

Est-ce cela, la clairière au bout de cette marche ?
En réalité un désert social, où les bruns l’emporteront?

En tant que cadre réalisant une croissance de chiffre d’affaires et d’effectif de 30% par an, ce qui motive cette croissance et ces embauches, c’est la demande. C’est les carnets de commande. Le pipeline de projets.
Pas ma trésorerie.

Alors les macroneries sont exactement ce qu’elles apparaissent : les outils pour certains de s’enrichir sur le dos des autres au prix de l’intérêt commun, du bien public, de la République.

C’est une politique qui permettrai sans doute de donner l’illusion a une minorité communicante de gagner plus, un temps, au prix sans doute de l’instabilité sociale, de conflits, voire de basculement dans des régimes à la Orban, à la Trump, à la PiS, à la Erdogan…

Ce n’est pas une politique de cohésion sociale, ni de long terme, ni de soutien à la démocratie.

Alors, où ai-je manqué le chiffrage de ces 110 milliards incohérents?
Alors, où est donc le volet cohésion sociale de cette stratégie économique d’une violence inouïe ?
D’une irresponsabilité économique siderante ? »
Mars 2017.

Sainte Soline, 3 millions d’euros de dépense publique de sécurité, un fiasco total du maintien de l’ordre.