Le gouvernement par décret, tombeau des démocraties
Hier, le chef de l’Etat français Macron a théorisé l’idée d’un gouvernement se passant du parlement, en publiant décrets et ordonnances plutôt que de faire voter la loi.
Le sénateur Patriat s’est déclaré enthousiasmé par cette proposition.
Madame Borne, chef du gouvernement, vient de faire passer une loi d’importance par une série de cavaliers institutionnels sans vote du parlement.
Aujourd’hui, l’Allemagne commémore, avec humilité, les 90 ans de la loi “de la levée de la détresse du peuple et de la nation”.
Cette loi voyait dans un parlement sans majorité claire les causes des difficultés économiques, sociales et politiques, et la source de la violence dans les rues.
La loi prévoyait donc de donner au chef du gouvernement, élu le 30 janvier précédent par une coalition initiée par des dirigeants du centre droit et des technocrates, le droit de gouverner par ordonnances et décrets.
Rappelons que dès le 1er fevrier, le président de la république de l’époque avait dissous le parlement pour empêcher un vote de censure. Les élections s’étaient déroulées dans un climat violent, avec la criminalisation du parti de l’extrême gauche, jugé trop de “bruit et de fureur”.
Le vote du 23 mars 1933 était donc censé conserver l’apparat de la légalité, après tout, c’étaient des élus légitimes contre la rue, et contre l’opinion publique, qui allait voter. Car à l’époque, malgré la terreur des violences de rue, l’opinion n’avait pas encore complètement basculée.
Le gouvernement, le 23 mars, est toujours un gouvernement de coalition. Le chef du gouvernement ne compte que deux ministres de son parti, à côté de ministres technocrates, et de dissidents du centre droit.
Pour obtenir le vote de cette loi de plein pouvoir, malgré la disparition du parlement du parti de l’extrême gauche, et vue l’opposition des socialistes, doit compter sur l’appoint de l’équivalent de LR de l’époque : le “Zentrum”.
Sa décision de conserver la discipline de groupe dans le vote, et de voter pour cette loi, emporta l’adhésion des partis du catholicisme nationaliste et du catholicisme libéral. Ils votèrent également oui à la loi, plus connue aujourd’hui sous le nom des “pleins pouvoirs à Hitler”.
JAi choisi de ne pas citer le nom de suite. Le point Godwin sert à empêcher la mémoire du passé. Or, en mars 1933, on est encore dans les apparences d’un état de droit, de la première république allemande.
Mais c’est un avertissement : il n’est jamais bon qu’un pouvoir, quel qu’il soit, préfère l’efficacité du décret sur le compromis pénible de construire des majorités parlementaires et d’opinion.
Churchill disait que la démocratie était le pire des régimes, à l’exclusion de tous les autres.
Oui, la démocratie, c’est pénible. Car il faut négocier, construire des compromis non seulement avec les élus, mais aussi les corps intermédiaires et l’opinion publique. C’est ce qui garantit la paix sociale.
Car comme disait Victor Hugo : si l’on ne respecte pas le droit de suffrage, si l’on ne respecte pas l’opinion publique autant que les rapports de force issus d’élections sincères, on rétablit le droit d’insurrection, on rétablit soit la guerre civile, permanente, soit le despotisme.
Non, monsieur Macron, madame Borne, monsieur Patriat, qui pourtant portaient dans vos biographies et vos engagements les conséquences de l’abandon d’une démocratie aux pouvoirs des décrets exécutifs, vos voies ne sont pas acceptable ni tolérables. Vos engagements comme vos biographies ne vous protègent pas de l’amnésie, et il est triste qu’un petit fils de résistant gaulliste installé en Allemagne doive vous le rappeler.