Le système

août 25, 2022 0 Par Mathias Weidenberg

Tout notre système économique est fondé sur l’énergie abondante à bas prix, la déflation salariale mondiale pour contrôler l’accumulation du capital, et, dans les régimes démocratiques, l’affaiblissement de l’état qui est l’instrument des classes nombreuses, dans les régimes absolutistes, le renforcement de l’état qui est l’instrument de domination des classes contrôlant le capital, avec des variantes allant jusqu’à la privatisation des fonctions régaliennes au service direct de ceux qui ont du capital.
On constate le retour des armées privées.
Or, tout système d’armée privée contiens en soi la promesse du pillage et du brigandage.

L’énergie cesse d’être bon marché, non qu’elle cesse d’être abondante, mais les contradictions économiques et climatiques ont des conséquences géopolitiques.
Du coup, la déflation se transforme en inflation, non due aux masses monétaires en circulation – le modèle keynésien des trappes à liquidité a bien fonctionné pour expliquer l’absence de contagion inflationniste des énormes quantités de monnaie créés depuis la crise de 2008 ou pendant la pandémie en 2020 – mais aux dérèglements successifs des chaînes de production.
C’est la chaîne logistique qui fut la première à flancher. Dès 2019 on craint une récession en Allemagne, alors que la Chine lance une campagne contre ses milliardaires. Les critiques quant au système concentrationnaire et le travail forcé des minorités ethniques Chinoises n’ont que peu de conséquences diplomatiques ou économiques, illustrant encore une fois l’illusion de ”la somme des actes individuels en conscience” pour créer une force collective perceptible.
Mais, la crise immobilière chinoise, dans un système financier fermé à la finance internationale, a des effets sur les chaînes de production et les niveaux de demande intérieur. Le gouvernement chinois hésite entre répression a priori, mobilisation des opinions par le nationalisme impérialiste, et politique expansive pour protéger le pouvoir d’achat des classes moyennes. C’est finalement une combinaison des trois.
La crise pandémique surgit donc dans un monde affaibli dans ces systèmes de protection collective mondiale par la folie d’une résolution libérale extrême de pa crise financière, et un libre echangisme de plus en plus regis par des accords bilatéraux dans une idéologie partagée tant par les régimes démocratiques que les régimes autoritaires d’une concurrence économique légitime, exacerbée, sans concession, ni contrôle, ni médiation.
L’idéologie de la compétitivité concurrentielle, c’est celle de la guerre.
Un monde régi par une idéologie guerrière mercantile passe progressivement à une idéologie guerrière géopolitique.

La pandémie aurait dû rappeler par l’urgence des solutions à mettre en œuvre, et l’universalisme de sa menace, l’utilité des outils de médiation, de coopération, de solidarité internationaux mis en place par des forces se haïssant pourtant les unes les autres entre 1945 et 1950.
Mais la logique de la compétition, de la compétitivité, des avantages particuliers contre les autres, des théories des jeux appliqués aux relations internationales, ont inspirés à des élites gorgées de leçons libérales et de morale individualiste, persuadées par ailleurs que la nature humaine est maléfique, égoïste, et cupide, et que donc toutes les actions doivent se faire face à des anticipations individualistes, égoïstes, cupides, l’absolue vanité de la coopération internationale.
Tant l’OMC, le BIT, l’OMS, que le système des organisations des Nations Unies ont perdues sens et pouvoir normatif, influence positive.
Désertés par des gens obtenant plus de pouvoir, d’argent, de reconnaissance au seins des grands groupes multinationaux en recherche de monopoles, ces objets de médiation et de dialogue ont été abandonnés par les occidentaux et investis par les autres.
La culture n’ayant plus aucune valeur, l’art comme outil de spéculation, même le gigantesque schéma de Ponzi, la nouvelle tulipe du monde contemporain, la spéculation financière la plus vaine de l’histoire humaine, le bitcoin, a dénaturé l’art, la civilisation elle même perds son sens.

La Chine a choisie face à la pandémie une option unique : empêcher la circulation virale quoi qu’il en coûte.
Le reste du monde a choisi de laisser librement circuler marchandises et capitaux, et selon les angoisses de l’opinion, les personnes. Le virus, et d’autres plus inquiétants encore, suit ainsi la logique du libre échange globalisé sans contrôle.
L’OMS et ses recommendations n’ont pas été suivies au début de la crise, ou suivies trop tard, trop peu.
Entre temps, des vaccins ont été lancés non pour faire disparaître le virus, mais contenir son impact économique sur la production, la circulation, et la consommation de biens et services nécessitant toujours de l’énergie abondante à bas pris.

Cependant, la Chine est en circulation alternée. Des fois, elle produit, d’autres, elle s’arrête. Et la chaîne logistique, en 2020 comme en 2021, s’est chargée d’électricité statique : l’inflation de production.

Celle-ci s’est déchargée dans l’économie dès la fin 2021. Avant même la guerre d’agression russe en Ukraine les économies mondiales constataient des retours de l’inflation à 3, 4%.
Les contradictions profondes des systèmes de concurrence entraînent de fait une culture de la guerre entre blocs géopolitiques et religieux. Depuis 2011 et l’échec sanglant des printemps arabes, les démocrates et les séculiers étant abandonnés à leurs bourreaux par loccident, qui ne se réveilla que lorsque le terrorisme atteint ses enfants, sur fond déjà de contrôle des routes futures du gaz, de la guerre commerciale du pétrole des islamonarchies contre le renouvelable et le gaz de schiste américain des 2014-2015, entraînant des crises politiques en Amérique du Sud comme en Égypte, la question du contrôle géopolitique des chemins de l’énergie abondante et à bas prix s’est déplacé des terminaux pétroliers aux pipe lines et ports méthaniers de gaz.

La Russie avait deux accords avec l’Allemagne : en échange d’un gaz pas cher, une attitude géopolitique que l’on qualifiera d’ambiguë, d’hypocrite, ou de criminelle, et en échange d’un pipeline direct, débrancher l’Ukraine.
2014 déjà vit toutes les contradictions de cette dépendance allemande, qui alimentait les excédents commerciaux, et, au prix d’un gigantesque effort normatif en Union Européenne contre le nucléaire français ou le renouvelable européen, l’énergie de Norvège ou d‘Ecosse, en conserver, logique de guerre, tous les avantages compétitifs, concurrentiels.
On déclara soutenir le Maidan, et on ne condamna pas l’annexion de la Crimée au point de boycotter le gaz russe.
Entre 2014 et 2021, l’Allemagne, qui vit pourtant combien l’OTAN n’était plus fiable dès lors que le président des États Unis s’appelait Trump, qui voyait bien à quel point elle devenait la maîtresse maltraitée du prédateur narcissique russe, ne fit RIEN pour développer des alternatives.
L‘ecosse et son énergie bon marché furent expulsés de l’équation – avec les ogives nucléaires de la Grande Bretagne – en 2016.
La France fut interdite d’investir dans sa défense et sa police au lendemain des attentats de novembre 2015, et ses efforts alternatifs quant à l’Iran, au Qatar, les normes du marché de l’énergie européen la privant de l’avantage compétitif de l’énergie nucléaire, réduits à neants, dans un contexte où ses élites avaient décidé qu’il valait mieux tout vendre à l’encan que de mener la guerre commerciale pour défendre les intérêts nationaux. Les élites françaises se sont gobergées entre 2011 et 2022 dans des proportions inédites, inouïes. Elles ont acceptées de tuer l’avenir de la Nation pour assurer leur richesse.
Mais c’est ainsi une autre alternative au gaz russe qui disparaissait.
Entre 2014 et 2021, l’Allemagne a combattu aussi les terminaux, notamment à Rotterdam, pour le gaz liquide issu du gaz de schiste.
Tout fut fait pour ne pas avoir d’alternative à Poutine.
Que celui-ci décide dès lors de pousser son avantage géostratégique en contrôlant “le dernier kilometre” de l’acheminement du gaz en Europe, l’Ukraine, est une réponse à l’invitation de Merkel, la droite allemande, et les droitiers, “réformistes” du SPD, tous, de Schröder à Steinmeier, poutinophiles.

La guerre était inévitable, quelque part, dans le monde, prédisaient les predictionistes s’appuyant sur l’histoire en 2021. Ukraine ou Taïwan, relance en Syrie ou en Afghanistan? C’était ça la question.
Après la débandade de Kaboul en 2021, où loccident envoya le message à ses alliés ne pas être un allié fiable qui les sacrifiera à leurs pires ennemis en cas de coup dur, l’Afghanistan était hors de question.
La Russie contrôlant la Syrie, et donc aussi un des chemins pour le gaz iranien, et y ayant prouvé savoir mener des opérations militaires, c’est à dire chercher la victoire par l’anéantissement de l’adversaire, et sans considérations pour les civils ou les infrastructures, il ne restait donc que Ukraine et Taïwan.

Tout le système est fondé sur l’accumulation inouïe de richesses, de capitaux, de moyens médiatiques et technologiques, par un tout petit nombre d’hommes.
Ces richesses dépendent d’une énergie abondante et bon marché.
Un grain de sable, et l’inflation comme la pénurie d’énergie peut mettre en crise les processus d’accumulation.

C’est cela qui explique que la logique de guerre au cœur d’un système fondé sur le marché découle aujourd’hui sur des guerres militaires.