L’Allemagne doit payer

janvier 14, 2022 0 Par Mathias Weidenberg

3650 milliards…

C’est le montant cumulé de solde commercial de l’Allemagne sur 21 ans.Cela signifie que le reste du monde a dû d’endetter de 3650 milliards rien que pour financer ce qu’il achète à l’Allemagne, pays qui a décidé de ne pas consommer ces 3650 milliards avec des biens et des services du reste du monde, mais de les thésauriser.

L’Allemagne a un retard d’investissement public cumulé de 1000 milliards, et 50% des allemands n’ont pas vu leur revenu s’améliorer entre 2000 et 2021. C’est á dire que ces 3650 milliards n’ont pas d’utilité sociale pour la Nation allemande, ou le peuple allemand. 1200 milliards sont d’ailleurs stockés sur des comptes non rémunérés. Ils n’ont même pas été prêtés à d’éventuels acheteurs de biens allemands!

Une partie de ces liquidités énormes qui affluent en Allemagne mais n’alimentent aucune demande (pas d’investissement privé non plus, car sinon, des biens et marchandises seraient commandées entraînant une augmentation des importations, une réduction de l’excédent, pas de progression de la consommation des classes populaires), ont alimenté des bulles spéculatives inflationnistes, comme par exemple l’immobilier ou la bourse.

L’Allemagne est un trou noir, une trappe à liquidité de l’économie mondiale et européenne.La France elle finance la prospérité allemande sur la période à hauteur de 600 milliards. Après l’arrivée des libéraux français au pouvoir, le déficit commercial de la France, notamment vis à vis de l’Allemagne, commence à se dégrader en 2005, et s’accélère avec Sarkozy. Après une stabilisation à la fin du quinquennat Hollande, surtout grâce á la chute des prix du pétrole et non de l’action de ce président libéral comme son ministre préféré Macron, le trou commercial recommence sa progression sous son successeur Macron, pour atteindre des proportions abyssales après pourtant 15 ans de « politique de compétitivité » libérale, tant en 2019, 2020 que 2021.

Jamais la France n’a été autant dans une position de faiblesse que depuis que l’Etat n’est plus propriétaire d’entreprises industrielles ni architecte de l’industrie, le droit du travail autant détricoté, la fiscalité des entreprises et des riches réduites, et les cotisations patronales autant amoindries au détriment des cotisations des salariés. 600 milliards de déficit cumulé vis à vis de l’Allemagne, cela veut dire concrétement que le France doit s’endetter, en dette privée ou publique, pour acheter ces biens et services, puisqu’elle n’a pas d’acheteurs de biens et services pour ce montant par ailleurs.

Au sein de l’union monétaire, de fait, l’Allemagne prête à la France ce que la France achète à l’Allemagne.Mais dés lors, ces 600 milliards de financement de la France de la production allemande manquent à la France pour investir.Si l’Allemagne souhaite dés lors que la France mêne des investissements dans une certaine direction – par exemple, non pas maintenir les infrastructures énergétiques existantes mais investir dans de nouvelles infrastructures – il va falloir commencer à acheter des produits français en contre valeur de l’excédent commercial.Par exemple, on pourrait imaginer que l’armée allemande se standardise sur le Rafale, qu’elle achète des sous-marins français, qu’elle réglemente son élevage et agriculture pour en augmenter les prix et réduire les tailles d’exploitation – par exemple en appliquant enfin la législation européenne sur la pollution des nitrates, sur les pesticides et tant de domaines où l’Allemagne désobéit – pour permettre aux éleveurs et agriculteurs français d’exporter. Si l’Allemagne souhaite que la France dispose de 250 milliards à investir dans les énergies renouvelables pour mettre fin au nucléaire, il va falloir que l’Allemagne accepte de commander pour 250 milliards de biens et services français.

Helmut Schmidt, chancelier allemand de 1972 à 1982, avait prévenu en 2011 – « nos excédents sont les dettes des autres » et « Si nous, Allemands, étions tentés, sûrs de notre force économique, de revendiquer un rôle de dirigeant politique en Europe ou de jouer le Primus inter pares, cela inciterait une majorité grandissante de nos voisins à s’y opposer. Le sentiment d’inquiétude de la périphérie face à un centre trop puissant ne tarderait pas à resurgir. Les conséquences potentielles d’une telle décision paralyseraient l’Union européenne. Et l’Allemagne serait isolée. »

En 2016, seulement 5 ans après, la Grande Bretagne a déjà dit « Tchüss » et depuis, on le voit, l’Allemagne voit la constitution d’alliances à sa périphérie – 4 pays de Wisegrad, alliance libérale de 12 pays menée en 2018 par les Pays Bas contre Macron et Merkel, etc.

Si l’Allemagne souhaite, dans un débat présidentiel en France où l’Union Européenne sera un bouc émissaire, maintenir l’Union, il va falloir enfin assumer ce que Merkel a toujours refusée: être le consommateur de dernier ressort, rééquilibrer du moins en Europe sa balance commerciale.

En clair:C’est à l’Allemagne de payer la décennie 2022-2032.