Septembre 1939, 2019

Septembre 1939, 2019

septembre 10, 2019 0 Par Mathias Weidenberg

La Grèce et la Pologne ont décidé de s’associer pour réclamer les réparations des dommages subis pendant l’invasion allemande.

Rappelons le ici : le projet de domination de l’espace européen des allemands, d’après l’idéologie de l’espace vital, prévoyait également la liquidation des slaves.

La shoah a un caractère unique parce que l’extermination industrielle sur un critère raciste appliquée aux européens désignés par les nazis comme juifs fut interrompue par la défaite.

L’extermination industrielle cependant avait commencé avec d’autres méthodes, exécutions de masse, organisation de la mort par famine, travail forcé sans perspective de survie, dans les territoires de « colonisation aryenne ».

Il y a 80 ans, la Pologne luttait pour sa survie sans pouvoir se représenter à quel point le mot survie était pertinent. 3 millions de polonais que les allemands designaient comme slaves allaient mourir.

Lorsque l’Allemagne s’empara des futures terres de colonisation ukrainiennes, russes, bielorusses, le massacre des populations était partie intégrale du programme de colonisation.

Les critères racistes de hiérarchie des êtres humains determinaient pour les nazis qui vivrait, qui mourrait, selon une théorie eugéniste de l’espace vital.

Rappelons le: dans la définition du « sous homme », l’idéologie nazie citait toujours en les mettant sur le même pied d’égalité dans la haine « le juif, le tsigane, le polonais », celui-ci étant parmi les slaves promis à l’holocauste par Himmler.

Angela Merkel a toujours refusé d’assumer l’histoire allemande. Sa popularité est aussi celle d’une absolution que la nation criminelle n’attends pas de ses victimes, et se décerne elle-même.

Elle n’a jamais prononcé un seul discours d’importance sur la responsabilité allemande, et toujours repoussée loin l’idée d’une responsabilité particulière, qu’il faut assumer au delà des intérêts à court terme de la classe bourgeoise qui la soutiens.

En septembre 2017, dans le débat l’opposant à un social-démocrate rappelant sans cesse le rôle dans l’Europe et la concertation avec les européens, elle insistait sur sa défense « des intérêts nationaux allemands ». Son discours est teinté d’un neo-nationalisme considérant la dictature communiste et « l’effort de la réunification » expiatoires de l’histoire.

Elle incarne également la reconstruction d’une continuité historique enjambant comme inexistante l’histoire nazie. Toutes ses vacances sont consacrées au festival de Bayreuth et Wagner.

Un autre chancelier aussi faisait chaque été le pèlerinage à Bayreuth. Je vous laisse chercher qui.

Merkel n’est pas plus ni moins raciste qu’un allemand moyen. Ce n’est pas une question au cœur de sa réflexion, ni même à la marge.

Mais, au moment où la crise financière stabilisée, ses conséquences faisaient plonger l’Italie puis la Grèce, elle fit à plusieurs reprises des allusions confirmant les campagnes ouvertement xénophobes de la presse allemande pour imposer le refus de la solidarité européenne, de la mutualisation des dettes, et imposer un pacte budgétaire européen défendant les intérêts de la bourgeoisie allemande. Jamais elle n’eut le moindre mot pour condamner la reprise de stéréotypes racistes concernant les grecs ou les italiens.

Sous sa chancellerie, on arrêta de surveiller l’extrême droite. On ne chercha pas à empêcher la prise de contrôle d’un parti anti Euro par des cadres formés aux écoles du neonazosme, parti depuis représenté au Bundestag. On nia la réalité d’une résurgence d’un antisémitisme populaire allemand, cherchant à le limiter aux populations étrangères. On nia également le risque islamiste, persuadé, en refusant de faire activement la guerre en Lybie ou en Syrie, en accueillant les réfugiés, avoir sanctuariser son territoire. Pendant de nombreuses années, il ne semblait exister qu’un seul danger : le gauchisme.

Merkel ne comprends pas l’histoire. Elle ne comprends pas pourquoi les classes populaires allemandes se sont divisées face à l’austérité deflationiste en un parti refusant la démocratie au nom du communisme et un autre refusant la démocratie au nom du racisme.

Elle ne comprends pas que les deux dictatures allemandes du XXeme siècle ont la même origine, l’échec social de la première république.

Alors, forcément, ce neo-nationalisme dans une Europe qui se croyait post-moderne et post-nationaliste a sans aucun doute favorisé l’émergence chez ses voisins de la question souveraine et par conséquent, l’Allemagne gagnant à jouer seule pour sa nation, à jouer pour leurs nations.

C’est aussi le moteur des ascensions des partis « populistes ». C’est une conséquence directe du neo-nationalisme allemand.

Alors entendons nous bien : la bobinette Merkel importe peu. Elle est là parce que les dynamismes profonds au sein des classes dominantes allemandes produisent cette Allemagne là. Il y a cependant aussi des contradictions de plus en plus apparentes, expliquant la lente décadence politique de la chancelière. Elles ne sont pas encore résolues.

Quant à la Pologne, la Grèce, bien sûr que rappeler qui fut le criminel, bénéficiant par la suite d’une mansuétude financière incroyable au regard des crimes, souligne l’intransigeance dont ils ont fait l’objet après la crise financière.

C’est un rappel nécessaire, qui se crie devant un mur aveugle et sourd. Le mur est tombé en 1989 ensevelissant la responsabilité de 1939 selon le maçon de Berlin.