La tradition chrétienne anti française
Le cléricalisme, voila l’ennemi, pouvaient dire les républicains historiques, ceux qui ont construit la République française.
Et bien, le cléricalisme fut toujours, du fond des âges, pour reprendre le général de Gaulle, l’ennemi du peuple en France.
Je tombe par hasard sur l’histoire de la pauvre Marguerite Porette.
C’est une bonne sœur. Elle est de famille populaire, de Valenciennes probablement. Elle se consacre aux bonnes œuvres, à la charité. Alors qu’elle a 45 ans, elle écrit un livre, en langue du peuple, l’ancien français de 1295.
Le titre est extraordinaire : « Le miroir des âmes simples et anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir ».

Mystique simple, le texte effraie le clergé français, qui s’invente la menace subversive d’un « libre-esprit » qui voudrait aimer dieu sans passer par eux. Un évêque se saisit de l’affaire et entraîne la condamnation de l’ouvrage, l’interdiction de sa diffusion, et la charge de la censure à l’inquisition.
Très populaire, le livre semble avoir été diffusé déjà avant sa première condamnation de manière large, et aussi, en vieil anglais, en italien, en latin – c’est l’inquisition qui le traduit et du coup en favorise la diffusion dans le clergé ! – et aurait inspiré Maître Eckhardt.
Furieux de voir ces thèses continuer d’être diffusés, le clergé français n’en peut plus.
Il est hors de questions que :
- Une femme écrive des livres de théologie, même nonne.
- Que la foi et l’amour de Dieu puisse être une affaire privée et directe, car dès lors, qui paiera l’église et ses prêtres, ses évêques, ses cardinaux, qui financera la construction de cathédrales (plutôt que celle d’hôpitaux, de ponts, de greniers, de moulins), si l’on ne prie plus dans une église, mais chez soi, si on n’a plus peur de dieu que du prêtre, pire, si on aime dieu et ignore le prêtre ?
Alors Marguerite sera arrêtée par l’inquisition, condamnée, et confiée à la justice séculière pour subir son châtiment. C’est la première condamnée à mort suppliciée sur la place de grève, en face de l’hôtel de ville de Paris, en 1310, quelques jours après l’exécution des templiers par le roi, qui avait besoin de faire disparaître un de ses créanciers pour soulager la dette publique.
Le clergé et le roi aurons toujours en France un pacte de sang pour s’enrichir sur les français, et les accuser d’hérésies quand ils se révoltent, ou deviennent trop puissants.
Oh, oui, monsieur Ciotti, il y a une tradition chrétienne en France, contre les français. La laïcité est le résultat du combat permanent de notre peuple contre la cléricature, qui pendant plus d’un millénaire s’est enrichi de sa domination obscène.
Il aura fallu la République pour mettre au pas le cléricalisme, et c’est pourquoi votre discours, monsieur Ciotti, est antirépublicain autant qu’anti français.
“Je me repose en paix complètement, seule, réduite à rien, toute à la courtoisie de la seule bonté de Dieu, sans qu’un seul vouloir me fasse bouger, quelle qu’en soit la richesse. L’accomplissement de mon œuvre, c’est de toujours ne rien vouloir. Car pour autant que je ne veux rien, je suis seule en lui, sans moi, et toute libérée ; alors qu’en voulant quelque chose, je suis avec moi, et je perds ainsi ma liberté. Et si je ne veux rien, si j’ai tout perdu hors de mon vouloir, il ne me manque rien : libre est ma conduite, et je ne veux rien de personne.”

“Et le lundi ensuivant, fu arsé (fut brûlée), au lieu devant dit (In communi platea Gravi), une béguine clergesse qui estoit appellée Marguerite la Porete, qui avoit trespassée et transcendée l’escripture devine, et ès articles de la foy avoit erré; et du sacrement de l’autel avoit dit paroles contraires et préjudiciables; et, pour ce, des maistres expers de théologie avoit esté condampnée. »
Extrait d’un journal qui fait référence à l’assassinat de Marguerite Porete, le 1er juin 1310.
