Autoritaires
Voici comment des chefs de gouvernement, d’Etat élus construisent des fictions politiques pour justifier le passage à des régimes autoritaires sans alternance possible:
Un complot, généralement inspiré de l’étranger, ou de forces intérieures voulant la destruction de la Nation, est à l’œuvre pour les empêcher d’accomplir leur grande œuvre. Le coup d’état, légal ou militaire, est alors la seule solution pour « sauver la république », « rétablir l’Etat » ou « la religion ».
On l’a vu tant de fois à l’œuvre dans l’histoire de l’humanité. La République romaine eut ainsi à survivre à de nombreuses tentatives avant de succomber dans le fracas d’une guerre civile longue d’un siècle.
En Grèce, que de fois des dirigeants charismatiques remplacèrent la démocratie par leurs formes d’autoritarismes.
À l’époque que nous vivons, de nombreux chefs élus ont la tentation de confisquer l’alternance, de refuser leur responsabilité devant le souverain peuple, au nom bien sûr de considérations supérieures.
Certains penseront ici à des exemples souvent médiatisés, et interprétés comme des crimes impardonnables : Maduro, Bouteflika, sont deux exemples dans des familles de pensée politique différentes.
Mais il y a danger bien plus près : les réformes constitutionnelles d’Orban visaient à empêcher l’alternance. Le refus de Netanyahou de se soumettre à la justice de son pays en est un autre exemple, lui qui, d’une réforme constitutionnelle, l’an dernier, transformait un état séculier démocratique en un état religieux raciste.
Erdogan est bien sûr un prototype de ces transitions réussies de républiques démocratiques, imparfaites ou non, à l’autoritarisme.
Mais il y a bien plus grave, les deux pays à l’origine de déclaration de droits universels pour l’humanité sont menacés de cette maladie politique. Trump ne « reconnaîtrait pas sa défaite » et ne permettra pas une transition pacifique, annonce son ancien avocat et conseiller Cohen devant la chambre des représentants. Trump remets toujours en cause la légitimité des victoires électorales de ses opposants. Cela fait système chez lui de jeter le doute sur les institutions mêmes pour se maintenir. Il est même prêt à mettre en scène un sommet avec le tyran nord coréen, sommet lamentable, pour justifier sa position « incontournable » pour la paix mondiale. Il a la psyché de Caligula, la maturité de Néron, et le vice de Tibere.
Macron quant à lui même depuis son élection une campagne systématique de destruction complète de tout ce qui n’est pas le pouvoir du président. Ne nous racontons pas d’histoire : il y a une méthode et une volonté. L’Assemblee Nationale n’existe plus comme parlement, les députés majoritaires sont incapables et obéissants. Encore tribune du haut de laquelle certains s’opposent, il a fallut donc s’attaquer aux opposants directement, tous ont vu des perquisitions plus ou moins médiatisées, même les alliés ont été ainsi intimidés. Les corps intermédiaires sont systématiquement ruinés, dévalués, enjambés. Lorsque le pouvoir les invite à négocier, c’est sur des termes pipés, pour provoquer leur échec, mettre en scène leur remplacement. Les opposants directs, mouvements sociaux, syndicats, mouvements associatifs, sont mis en scène, par la violence extrême qu’on leur fait subir pour les faire y réagir, comme factieux, séditieux, haineux, et dès lors, illégitimes. Et puis, ils sont sans doute antisémites, racistes, fascistes, la preuve, ils réclament une augmentation des salaires, des retraites, le référendum d’initiative populaire. Alors, on en condamne 3000 à de la prison ferme, 30 à l’arrachage d’un œil, une demi douzaine à couper une main.
Tout cela fait système et fait corps : le corps social de l’ordre prends peur et se rassemble, il réclame encore plus de répression, et ne veut plus entendre parler d’élections.
Le passage à l’autoritaire a été préparé, les institutions sont souillées, jetées à bas, la poire est mûre, il est temps de cueillir.
Les pays qui résistent le mieux à cette tentation sont ceux dont les institutions ne prévoient pas de chefs d’Etats élus directement. Il y a là sans doute un enseignement. La République n’a de pire danger que le césarisme. La prochaine république supprimera l’élection du futur César où ne sera pas.
En attendant, il va bien falloir combattre les Cesarions de notre temps.