Les violences quotidiennes

mars 3, 2019 0 Par Mathias Weidenberg

Une société peut violenter en permanence le corps social. Chacun en fait l’expérience quotidienne, ces petits tracas font cependant système, créant un climat permanent de galère et de contraintes absurdes.

Voici quelques exemples en une heure parisienne:

Ce matin, marchant encombré de sacs, me voilà poursuivi par une machine infernale, au boucan assourdissant, réveillant tout un quartier le dimanche à 9h. Le véhicule, par sa fonction, mange le trottoir où je me trouve, à une vitesse juste supérieure à la mienne, augmentant la pression psychologique, malgré mes sacs, dans une rue vide, d’allonger le pas. Un moment, je pense à ce film d’anticipation d’il y a presque 50 ans, Soleil Vert.

Double violence: véhicule de propreté, c’est un travailleur contraint à sacrifier son dimanche qui conduit. À quelle heure s’est-il donc levé pour faire son trajet jusque dans le dépôt, mettre sa tenue de travail, son véhicule, le vérifier, prendre ses consignes, et commencer sa mission? 6 heures?

Dans la ville où je vis, celle où je travaille, quand une ligne de Ubahn doit s’interrompre pour des travaux, le service est maintenu par des bus.

Pas avec la ratp. Non. Débrouille toi tout seul pour rejoindre ta gare. La ligne 4 est interrompue sans espoir Les dimanche jusqu’à 10h du matin, sous entendant que le dimanche, le parisien ne se lèverait pas plus tôt. La régie propreté de la ville de Paris, pourtant, fait du bon travail pour réveiller les parisiens avec ses machines infernales avant.

La sncf s’amuse bien à rajouter des petites violences au quotidien. Elle annonce des départs à une heure fixe, mais l’accès à ses TGV est empêché deux minutes avant. Et bien, annonce l’heure du départ pour l’heure de fermeture de l’accès, stupide, au lieu de laisser des gens à quai !

Non, non, il faut créer des barrières, des règles absurdes, des fonctionnements stupides, dont le principal objet est de remplir un souci de cohésion interne.

Mais tout cela fait système, dans une société de violence politique contre les mouvements sociaux – depuis 2005, il n’y a peu d’exemples de mouvement social aboutissant à des négociations dans le respect du dialogue social et de l’intérêt général. Depuis 2005, la doctrine de maintien de l’ordre social face aux contestations politiques et sociales, c’est la militarisation, l’engagement précoce dans des actions violentes, des arrestations de plus en plus arbitraire, des lois redevenues « scélérates », et la justification même des violences contre les parlementaires de l’opposition!

Cette violence du quotidien est la conséquence d’un agenda de réduction des impôts des plus aisés, des plus confortables, ceux dont les doubles fenêtres bloquent le bruit des camionnettes balayeuses, et l’emploi de Uber, d’une belle limousine, de l’avion permet d’éviter le désagrément du public. On baisse leurs impôts, on augmente leurs crédits d’impôts, et il faut bien faire violence au reste du corps social, dont les mains et les yeux sont maintenant servis, tel un plateau de fruit de mer, main d’araignée de mer, œil d’huître, à ces assoiffés inextinguibles.

Soleil Vert, c’est une parabole.

Mais nous y sommes.